LA TABLE RONDE

 « LES MARKETEERS DOIVENT SE REPENSER »

Il fut un temps où les plans de marketing et de communication étaient arrêtés bien longtemps à l’avance et semblaient immuables. Le marketeer était le spécialiste, et le consommateur était un concept plus ou moins abstrait. La révolution numérique a donné au consommateur non seulement la parole, mais aussi le pouvoir de tourner le dos sans état d’âme aux campagnes publicitaires, aussi grandioses soient-elles. Le consommateur « va simplement voir ailleurs. S’il est déçu par ce que nous lui proposons, le client nous ‘efface’, sans plus », reconnaissent les participants à la table ronde chez UBA. La solution paraît étonnamment simple : « Nous devons être pertinents, en permanence. » Mais comment ?

La valeur des real-time data, déclinaison superlative des data, ne cesse d’augmenter. Travailler avec des real-time data est cependant loin d’être une sinécure. Quelle est l’influence des data sur les stratégies de marketing et de communication ?
XAVIER DUMON : « Les données deviennent en effet de plus en plus importantes, et les évolutions technologiques ne feront qu’accélérer le mouvement. Même si cela peut paraître inquiétant, cela nous permet surtout de mieux comprendre nos consommateurs, et de mieux adapter nos produits et nos services à ce que le client demande vraiment. En d’autres mots de générer plus de ventes. Mais ce n’est pas tout. Dans le secteur bancaire par exemple, cela veut dire que nous pouvons proposer des services qui vont plus loin que ceux classiquement offerts par une banque. La quantité de données et de transactions est tellement importante que cela nous permettrait par exemple de signaler à un client que, par rapport à des profils d’utilisation similaires, il paie probablement trop pour son abonnement GSM. »

Un beau service, mais le client ne pourrait-il pas aussi ressentir cela comme une ingérence dans ses affaires, voire une tentative déguisée d’upselling ?
DUMON : « Les clients sont demandeurs de ce genre de services, pour autant que ces services soient pertinents pour eux. »
BENOÎT CROCHELET : « Les big data provoquent une réelle évolution de notre business model. Dans notre secteur (électricité), il faut vraiment changer la vision traditionnelle de la customer journey, avec de l’upselling et du cross-selling, car nous ne devons plus aborder le marché comme un marché de masse mais comme un marché d’individus. »
SASKIA SCHATTEMAN : « J’aimerais aussi ajouter quelque chose à ce sujet. Nous adaptons notre communication sur la base de données en temps réel. Cela signifie deux choses. Avant tout, nous attachons une très grande importance à l’implication (engagement), ce qui veut dire que lorsque nous plaçons un message online, nous surveillons de très près les vues ou les clics qu’il génère. Si un sujet s’avère populaire, nous allons ajouter du contenu, délivrer plus de messages similaires. Ce que nous faisons aussi, c’est envoyer des messages dont nous estimons qu’ils sont pertinents pour un jour bien précis. S’il neige par exemple, nous allons publier de petits conseils de conduite ou, ce qui est encore mieux parce que cela correspond tout à fait à notre business, présenter des solutions de télétravail. »

Cela semble logique, mais ne risque-t-on pas de voir chaque acteur online faire quasi la même chose que ce que fait son concurrent ? Si tout le monde se met à suivre la mode du moment, toutes les entreprises vont servir la même histoire à leurs clients et elles perdront toute identité.
Schatteman : « C’est une bonne remarque. Cela pourrait effectivement se passer, mais nous n’avons pas encore eu le cas. Mais si cela devait arriver, on en revient à mon premier point : nous finirions par remarquer que l’histoire ne fonctionne pas et qu’il faut faire autre chose. Bref, c’est le genre d’erreur qui disparaît quasiment d’elle-même. Il faut tout simplement rester très attentif, beaucoup plus qu’avant. Nous devons rechercher en permanence le bon contenu à envoyer au bon moment à nos clients. »
LIEVE PATTYN : « Cela nous oblige à être toujours pertinents. Nous sommes jugés sur chaque interaction, tout ce que nous faisons est mesuré. Lors de nos réunions de marketing mensuelles, nous analysons les résultats de chaque communication (e-mail marketing, médias sociaux…). Nous en partageons les enseignements avec l’ensemble de l’entreprise parce que nous considérons que la communication n’est pas exclusivement l’affaire d’un petit groupe de marketeers ou d’analystes de données. »

C’est une approche fondamentalement différente d’il y a quelques années.
Pattyn : « Oui, et cela demande beaucoup plus de travail. Avant, on pouvait faire du one-fits-all, mais les règles du jeu et la concurrence sont entre-temps tout à fait différentes. C’est bien pour tout le monde, mais ce sont les entreprises qui comprennent le mieux leurs clients et qui les touchent le mieux avec leur message qui obtiennent les meilleurs résultats. »
Schatteman : « Je reconnais que jusqu’il y a deux ans d’ici, j’élaborais des plans marketing en me basant sur ce que je voulais raconter à mon consommateur. Je décidais que j’allais lui dire ceci, cela et encore ceci, à tel, tel ou tel moment. Aujourd’hui, c’est devenu impensable. Le consommateur ne l’accepte pas, ne le lit pas. Tout en gardant à l’esprit ce que veut représenter notre marque et ce que je veux transmettre comme message à nos clients, je suis désormais beaucoup plus réactive. Je ne me borne pas à suivre sans réfléchir mes plans définis au départ, je m’adapte aux circonstances et aux réactions des consommateurs. C’est un changement fondamental, les marketeers sont devenus beaucoup plus réactifs. »
GEERT KELCHTERMANS : « Au début, nous supposions que la numérisation allait simplifier les choses et nous permettre d’adapter rapidement tout ce que nous faisions. Mais il ne faut jamais perdre de vue qu’avant de pouvoir faire cela, il faut analyser soigneusement la situation. Ce qu’on avait l’habitude de faire après la campagne, on le fait maintenant pendant la campagne avec des outils parfois très complexes. »
Dumon : « Du point de vue organisationnel, c’est un bouleversement. Avant, beaucoup d’entreprises étaient organisées en silos, mais la tâche qui nous attend ne peut plus être accomplie par un seul département. Les marketeers doivent désormais collaborer avec des spécialistes IT, des analystes, et beaucoup d’autres. Nous devons être beaucoup plus vifs dans notre approche. Cela peut sembler contradictoire avec l’idée même des big data, mais nous avons besoin la plupart du temps de petits bouts d’informations pour pouvoir construire au fur et à mesure un ensemble plus large. »
BART VANDENREIJT : « Cela ne veut pas dire que ce sera d’office plus complexe, ce sera même parfois plus simple. Maintenant, nous pouvons relier à nos données financières les données concernant les clients, et cela nous permet de voir immédiatement quels produits marchent bien et lesquels moins bien. Et nous pouvons ensuite exploiter ces informations pour développer et optimiser nos promos. Résultat, nous les marketeers, nous nous retrouvons au même niveau de discussion que nos collègues du département financier. Pour les financiers, les choses sont toujours claires : sans argent, c’est la faillite. Alors que les marketeers argumentaient parfois que, certes, les clients n’étaient pas tellement emballés mais qu’il fallait voir cela sur le long terme. Et ils continuaient ensuite à faire ce qu’ils faisaient, sans corriger le tir. Aujourd’hui, nous remarquons directement si les clients achètent moins l’un ou l’autre produit. »

"CE SONT CEUX QUI COMPRENNENT VRAIMENT LEURS CLIENTS QUI OBTIENNENT LES MEILLEURS RÉSULTATS."

Vous ne pouvez plus utiliser vos excuses d’avant ?
Vandenreijt : « C’est ça ! » (rire)

LES PROFILS DES MARKETEERS

Le profil des marketeers a-t-il évolué ?
Schatteman: « Absolument. Chaque nouveau collaborateur que nous engageons pour le marketing et la vente doit posséder suffisamment de talent analytique. C’est essentiel. À certains niveaux de l’organisation, il faut de véritables ‘analystes de données’ qui écrivent des modèles, mais dans mon équipe il faut des analystes plus pratiques. Les profils de ce genre ont un bel avenir ! »
Kelchtermans : « Et cela ne se trouve pas facilement aujourd’hui. »
Schatteman : « Ils sont effectivement rares. »
Dumon : « Du coup, ce sont des talents que nous ne recherchons pas uniquement à l’extérieur, nous organisons aussi beaucoup de formations en interne. Ou alors nous allons les recruter avant la fin de leurs études pour pouvoir les ‘modeler’ nous-mêmes. »
KATRIEN DE CANNIÈRE : « La mode n’est pas quelque chose qu’on associe spontanément aux big data, mais ces données, nous les avons. Je rêverais d’avoir plus de possibilités pour travailler sur des profils plus profonds. Et nous avons aussi beaucoup de personnel de vente qui est parfois difficile à convaincre de l’importance des chiffres. Les vendeuses ne voient pas le lien entre ces analyses et le manteau qu’elles sont en train de vendre. Elles sont à des années-lumière de ces modèles de données. Et de l’autre côté, nous avons des spécialistes IT et des collaborateurs plus techniques qui ont parfois du mal à bien saisir le business de la mode, à comprendre que c’est bien plus qu’une question de petites robes et de pulls. Nous voulons savoir que même si madame X a regardé un modèle rouge sur son iPad, c’est finalement le modèle blanc qu’elle a acheté. Ce sont des détails dont nous pouvons tirer des informations intéressantes, parce que nous vendons des produits qui changent d’une année à l’autre. Ces produits ont un cycle de vie de six mois, et c’est le temps dont nous disposons chaque fois pour tirer des enseignements. Nous devons donc être très flexibles, et parfois baser nos analyses sur le simple bon sens. »
Vandenreijt : « Chez Carrefour, chaque analyste doit gérer un portefeuille de directeurs de magasins, et se rend donc sur place s’il y a des questions. C’est une bonne approche dans la mesure où ces analystes se rendent ainsi compte que l’analytique permet effectivement de résoudre des questions concrètes qui se posent au niveau même des magasins. Cela donne des échanges mutuels fructueux avec des directeurs et gérants de magasins. Les analystes ne sont plus cloîtrés dans leurs bureaux. »

Vous parlez d’échanges fructueux, mais cette nouvelle façon de travailler ne crée-t-elle pas des tensions entre les marketeers et les analystes ?
Crochelet : « Il n’est effectivement pas simple de convaincre nos collaborateurs que les nouvelles perceptions obtenues grâce à l’analyse des données peuvent également apporter un progrès. Pas seulement pour l’entreprise, mais aussi pour leur propre boulot. Dans une entreprise technologique, tout cela est probablement beaucoup plus évident. »
Kelchtermans : « Je tiens à préciser que ce n’est pas simple non plus dans le secteur technologique. »
CHRIS VAN ROEY : « Dans d’autres pays, on voit émerger de nouveaux profils, des marketing technologists, mais notre enseignement ne s’y est pas encore adapté. Il y a aujourd’hui deux formations de base (marketing et technologie), très éloignées l’une de l’autre. Il faudrait bien sûr que les deux soient combinées pour exploiter les big data de façon rationnelle, mais il n’y a pas que cela. Toute l’évolution de la technologie publicitaire a un impact énorme sur notre domaine professionnel. Nous avons besoin de marketing technologists, et notre enseignement a un rôle à jouer à ce niveau. Si l’on en croit un rapport de Gartner, les CMO (Chief Marketing Officers) disposeront en 2017 d’un budget IT plus important que les CIO (Chief Technology Officers). »
Vandenreijt : « Le big data est dans l’air du temps, mais il en est encore à ses débuts. L’écart entre ce que la ‘technique’ a développé et les possibilités encore inexplorées pour le marketing est énorme. Ce que nous demandons entre-temps à nos collaborateurs, pendant cette période d’apprentissage que nous traversons tous, est tout aussi gigantesque. Chez nous, il faut six mois pour ‘bien comprendre’ les systèmes en place, et même alors vous n’avez pas encore une compréhension suffisante du business pour pouvoir faire des analyses pertinentes. »

LES BONS SYSTÈMES ?

Il y a les personnes, et il y a les systèmes. Avez-vous le sentiment d’être soutenus par les bons systèmes ? Tout le monde sait que l’acquisition et l’implémentation d’un système est un investissement coûteux. Un investissement que beaucoup d’entreprises préfèrent reporter, car à peine installé, le système commence déjà à dater.
EMMANUEL SCHEENAERTS : « Nous travaillons dans un contexte industriel. Je n’ose presque pas dire de quand date notre mainframe. Quand, en tant que marketing, nous parlons avec les gens de l’IT, nous avons parfois l’impression de vivre sur deux planètes différentes. Vous avez d’un côté des personnes qui gèrent des systèmes technologiques gigantesques pour faire tourner nos usines, et de l’autre des marketeers qui veulent utiliser des big data pour augmenter les résultats. Un profil IT n’est pas un profil Big data. Je le constate chaque jour. Et il y a encore d’autres contradictions : prenez le manager d’un site qui après une journée portes ouvertes conclut qu’il y a eu moins de visiteurs, alors que nous de notre côté constatons une augmentation du trafic online et du nombre de demandes d’offres. Même jour, autre point de vue. C’est pour cela qu’il est important de partager ces expériences. »
SCHATTEMAN : « Je pense que le rapportage des données contribuera au change management dont nous avons besoin. Mais il y a souvent des opposants au progrès. Pour marquer les esprits, il faut que les gens voient que les big data et les nouvelles technologies leur permettent de mieux faire leur travail. Il faut leur montrer ce que cela leur apporte. Les gens ne sont prêts à emprunter de nouvelles voies que s’ils constatent que cela mène quelque part : vers plus d’efficacité, ou vers une meilleure performance. »
De Cannière : « L’IT et le marketing en temps réel évoluent dans des univers complètement différents, avec des délais différents. Les spécialistes IT doivent faciliter le business. Disposer de plus de budget IT pour le marketing permet de s’autoriser des tentatives ‘pionnières’. Vous pouvez par exemple décider de surveiller tous les tweets à propos de votre marque 24/7, mais en quoi serait-ce pertinent ? Avec un petit budget IT, je peux développer plusieurs petits projets dont l’un donnera peut-être des résultats prometteurs après un certain temps. »
Dumon : « C’est aussi une des grandes raisons pour lesquelles chez Hello bank! nous travaillons aujourd’hui en mode agile. Le modèle IT fonctionne de la façon suivante : vous avez une demande, quelqu’un développe un programme, et un an plus tard vous avez un résultat qui n’est finalement pas celui que vous vouliez. Dans le modèle agile, nous nous concentrons sur une petite partie d’un grand projet, et nous développons cette petite partie tous ensemble : IT, marketing, communication et analystes. Puis nous testons le résultat et l’introduisons rapidement sur le marché. Le cas échéant nous y ajoutons par la suite quelques modules, mais comme ça au moins nous avons commencé quelque chose. »
Pattyn : « Les big data changent aussi beaucoup de choses sur le plan culturel. C’est vrai, il faut plus que jamais être rapide et agile, en d’autres mots créer de l’espace pour expérimenter, mais aussi pour éventuellement échouer. Il faut prendre des décisions très rapidement et ne pas se prendre la tête en cas d’échec. Si ça ne fonctionne pas comme prévu, cela ne sert à rien de tout arrêter et de se renvoyer la responsabilité de l’échec. Il faut tirer les enseignements et continuer à développer. Nous organisons des formations en interne pour apprendre à nos collaborateurs à décider plus rapidement, à éliminer les intermédiaires inutiles. »

Vous parlez d’intrapreneuriat, c’est-à-dire l’entrepreneuriat au sein de l’entreprise. Mais les entreprises sont-elles toutes ouvertes à ce concept ? N’y a-t-il pas encore toujours trop de hiérarchie ?
Van Roey : « Selon moi, la plupart des entreprises se sont quand même déjà largement éloignées de cet ancien style de management. Parler de hiérarchisation à outrance est un peu caricatural aujourd’hui. »
Pattyn : « Omega Pharma se situe d’ailleurs à l’autre extrême. Marc Coucke et Davy De Vlieger ont construit autour d’eux une organisation extrêmement entreprenante à tous les niveaux. Nous appelons cela le ‘facteur Omega’. Il a trois facettes : nous sommes une société ‘turbo’, qui stimule l’entrepreneuriat, et où les gens se sentent ‘chez eux’. »
De Cannière : « Tout le monde ne réclame pas constamment des changements ni ne possède l’énergie suffisante pour affronter tous les défis qui se présentent. Tout le monde ne raisonne pas en termes de : ‘C’est bien comme ça, mais ça pourrait être encore mieux demain’. »
Dumon : « Chez Hello bank!, nous avons l’avantage d’être une marque relativement jeune, animée par un personnel jeune, et sans hiérarchie. Notre équipe de management compte quatre personnes, ce qui nous permet de réagir très rapidement. »
Scheenaerts : « Vous savez, ce n’est pas toujours un avantage, car je connais pas mal de gens qui justement apprécient la hiérarchie et la clarté. »
De Cannière : « J’aimerais nuancer le propos. Ce sont parfois les collaborateurs qui ont le plus d’ancienneté, ceux qui connaissent le business sur le bout des doigts, qui se montrent les plus flexibles, et pas toujours ceux de 23 ou 25 ans, qui, eux, attendent souvent des instructions plus concrètes. »

"CE SONT PARFOIS LES COLLABORATEURS AVEC UNE LONGUE ANCIENNETÉ QUI SE MONTRENT LES PLUS FLEXIBLES, ET PAS TOUJOURS CEUX DE 23 OU 25 ANS, QUI, EUX ATTENDENT SOUVENT DES INSTRUCTIONS PLUS CONCRÈTES."

VIE PRIVÉE, TROP DE MESSAGES…

Le big data, c’est la collecte de données sur les clients. Qu’en est-il du respect de la vie privée ? Et ne risque-t-on pas d’irriter le client avec trop de messages ciblés ?
Dumon : « Pour une banque, les aspects vie privée et sécurité sont essentiels. Nous ne pouvons pas nous permettre d’utiliser des données de clients sans que ces derniers n’en soient informés. Nous devons préciser très clairement quelles données nous utilisons pour quels services, demander l’autorisation explicite de partager des données, et donner la possibilité au client d’en sortir à tout moment. »
Vandenreijt : « Le nouveau terme pour désigner cela est le permission marketing. Les clients savent que vous collectez leurs données, ils vous en ont donné l’autorisation et reçoivent aussi quelque chose en échange. Collecter des big data sur n’importe qui ou n’importe quoi, c’est à la portée de tout le monde. L’important, c’est utiliser ces données pour construire une relation avec le client et lui donner en contrepartie quelque chose de valeur, par exemple un programme de fidélité. Quant au respect de la vie privée, c’est une chose à laquelle nous attachons une grande importance. Nos marketeers n’ont pas accès aux données privées, ils en sont séparés par un véritable mur. IT travaille avec des références qu’ils enrichissent, mais il n’y a nulle part de lien vers les personnes privées. »
Pattyn : « Les valeurs de base sur lesquelles nous sommes jugés en tant que marketeers sont le respect et la pertinence. Ce n’est pas parce que nous avons une base de données de 250.000 personnes dont nous savons quel produit elles ont acheté, que nous allons les bombarder de messages. Nous procédons de façon réfléchie, nous constatons que nos mailings affichent un opening rate qui est le double de la moyenne dans notre secteur, et que moins de 1% des personnes se désinscrivent. Nous analysons cela chaque mois. Il faut se fixer des règles qui vont au-delà du simple respect de la vie privée, se demander en permanence si l’on est pertinent. »
Van Roey : « L’époque où nous décidions nous-mêmes de ce qu’est la ‘vie privée’ de nos clients, est définitivement révolue. Les règles européennes en la matière deviennent de plus en plus strictes. L’utilisation de données agrégées ne pose aucun problème, tout comme le fait d’utiliser les smartphones pour constater que le ring de Bruxelles est embouteillé. C’est pareil pour le fait d’utiliser des données de clients agrégées comme base pour développer de nouveaux produits ou proposer de nouveaux services. Pour les données individuelles en revanche, la transparence est essentielle : il est obligatoire de préciser la façon dont elles vont être utilisées. L’utilisateur doit en outre donner sa permission. Nous constatons que l’ancienne génération a une attitude complètement différente à ce sujet que les millennials, qui n’ont manifestement aucun problème à dévoiler leur vie sur les réseaux sociaux. »
Scheenaerts : « En ce qui me concerne, il y a deux indicateurs très importants : le taux de désabonnement (unsubscribe rate) et le taux d’ouverture (opening rate). Si nous devions arriver à plus de 1% de désabonnements par jour, je serais le plus malheureux des hommes. »
Schatteman : « Les gens vont plus que jamais voir ailleurs. En anglais on dit ‘they vote with their feet’. Avant, les consommateurs n’avaient d’autre choix que de tolérer certaines choses sur lesquelles ils n’avaient aucune prise, maintenant ils peuvent les éliminer d’un simple zap, swipe ou unsubscribe. Il faut bien sûr un cadre légal, mais en tant que marketeer, je m’inquiète plus du risque éventuel d’irriter nos clients. S’ils sont déçus par ce que nous leur proposons, ils nous ‘effacent’ tout simplement.”
Crochelet : « Au final, c’est le consommateur qui sanctionne. »
Scheenaerts : « Il y a toujours le texte de la loi et l’esprit de la loi. En ce qui concerne la protection de la vie privée, le moins que l’on puisse dire est que le texte de la loi est ‘moyen’. »
Van Roey : « Dans un système économique qui évolue aussi rapidement que le nôtre, il est quasi impossible pour la loi de suivre le rythme. Notre législation relative à la protection de la vie privée date pour ainsi dire du Moyen Âge. Le législateur n’a souvent aucune idée des technologies auxquelles nous sommes confrontés. D’où l’importance de nous autoréguler, de prendre nos responsabilités en tant qu’annonceurs et en concertation avec les pouvoirs publics. L’Europe se montre de plus en plus favorable à cette façon de travailler. À ce jour, je n’ai pas encore entendu le législateur s’exprimer sur des sujets tels que le native advertising, les adblockers, ou encore le big data. »

"AVANT, LES CONSOMMATEURS N'AVAIENT D'AUTRE CHOIX QUE DE TOLÉRER CERTAINES CHOSES SUR LESQUELLES ILS N'AVAIENT AUCUNE PRISE,MAINTENANT ILS PEUVENT LES ÉLIMINER D'UN SIMPLE ZAP, SWITE OUR UNSUBSCRIBE."

On vient de dire que le consommateur va voir ailleurs, ou que si les messages ne lui plaisent pas il installe par exemple un adblocker.
Van Roey : « Le principe n’est pas neuf : il y a plusieurs dizaines d’années qu’on peut voir de petits autocollants ‘stop pub’ sur les boîtes aux lettres, et pour la télévision il y a le bouton fast forward. Je me suis laissé dire que la fonction première de la télécommande Zenith de 1956 était de pouvoir couper le son pendant les publicités. Mais vous avez raison, le problème s’amplifie. Le défi pour 2016 est de trouver comment continuer à toucher les personnes qui n’ont manifestement pas envie d’entendre nos messages. Le développement des adblockers est un avertissement qui nous invite à trouver une solution respectueuse. Et cette solution n’est certainement pas de tenter de culpabiliser le consommateur en lui disant qu’il sape le système. Nous devons chercher le pourquoi. Et, soyons honnêtes, nous connaissons la réponse. Il y a trop de pubs, trop de choses sans intérêt, trop peu de pertinence, etc. Il y a certainement moyen de trouver une solution pour chacun de ces griefs, mais cela nous demandera beaucoup d’efforts. Allons-nous maintenant devoir dire ‘stop aux mauvaises publicités’ à la TV ? Nous devons nous repenser. Repenser la façon d’amener notre message de la bonne façon au consommateur, pour que ce dernier nous considère comme faisant normalement partie du système. »
Kelchtermans : « Les nouvelles technologies offrent aussi de nouvelles opportunités. Dès l’arrivée des adblockers, le targeted advertising a fait son apparition à la TV. Si vous parvenez à combiner pertinence et créativité, il y a certainement encore de la place pour des annonceurs sur les différentes plates-formes, parmi lesquelles les plates-formes mobiles ne sont pas encore très développées sur ce plan. »
Dumon : « Même ceux qui installent des adblockers sont à la recherche d’infos pertinentes, et nous devons donc les aborder par exemple sous l’angle du content marketing ou du native advertising. »
Vandenreijt : « Nous devons être conscients du fait que nous ne contrôlons plus le mix média et que c’est le client qui décide. Ce n’est plus nous qui bombardons le marché, mais le consommateur qui détermine de quelle façon et à quel moment il veut recevoir notre message. »

"POUR MARQUER LES ESPRITS, IL FAUT QUE LES GENS VOIENT QUE LES BIG DATA ET LES NOUVELLES TECHNOLOGIES LEUR PERMETTENT DE MIEUX FAIRE LEUR TRAVAIL. "

LA PERTE DE CONTRÔLE

Perdre le contrôle, cela ne donne-t-il pas un sentiment d’impuissance ?
Vandenreijt : « Pas pour moi, je suis un marketeer analytique. Pour moi, c’est une période dorée. (rire) Non, la technologie nous fait justement faire un pas en avant. Nous pouvons faire des propositions et optimiser le mix média en fonction de ce que souhaite le client. »
Schatteman : « Moi non plus, je n’ai pas le sentiment de perdre du contrôle. En revanche, je ne peux absolument pas dire à l’avance ce que ça donnera. Je connais les composants de mon plan et les points de contact avec mon client, mais c’est sur la base de ce que le client veut entendre de moi que j’adapte et déplace mes budgets vers les canaux qui fonctionnent. Ce qui est une bonne chose, car l’analyse de mon ROI (return on investment) se fait désormais pendant la campagne et non plus à son échéance. Mon budget média n’est plus bétonné et glisse vers le média sur lequel mon client est disposé à m’écouter. »
Dumon : « Avant, notre plan était arrêté en décembre, mais aujourd’hui cela ne fonctionne plus ainsi. Il faut désormais constamment le modifier. »
Crochelet : « Ces évolutions nous incitent à miser plus sur l’experience marketing et le sponsoring d’événements. Je ne m’inquiète pas, les marketeers doivent effectivement réinventer leur métier, mais ils y parviendront. »
Van Roey : « J’ai un bel exemple pour illustrer cela. En 2007, les autorités de São Paulo (Brésil) ont interdit les affichages publicitaires dans l’espace public. Les annonceurs se sont adaptés en peignant leurs bâtiments à leurs propres couleurs. »
De Cannière : « C’est la question que nous nous posons en permanence : comment pouvons-nous être suffisamment créatifs pour que les gens aient envie de voir notre message ? Et les consommateurs jouent pour leur part le jeu inverse. Ils veulent bannir les publicités qu’ils ne jugent pas intéressantes. Il y a quelques années, nous avons joué ce jeu et arrêté de faire de la publicité. Je peux vous dire que le résultat n’a pas été bon. Il est tout à fait possible de s’occulter soi-même d’un marché. Je veux dire par là que nous devons faire preuve de créativité dans un monde où 90% des gens n’ont pas absolument besoin de nous. Il y a des spots publicitaires que des millions de gens veulent visionner, c’est donc possible. »
Pattyn : « Nous vivons une époque passionnante pour les marketeers. C’est le fauteuil le plus intéressant à occuper pour le moment. L’experience marketing devient de plus en plus important. Nous n’avons par exemple pas encore dépensé un seul euro de budget marketing classique pour notre marque à succès Etixx. Si nous comprenons suffisamment notre client, nous pouvons obtenir beaucoup plus qu’avant. »
De Cannière : « La créativité doit également résider dans le produit. Personne n’attendait le smartphone, jusqu’à ce qu’il arrive. En d’autres mots, il faut donner aux gens quelque chose avant même qu’ils ne se rendent compte qu’ils voulaient cette chose. Si vous apportez une réponse à un problème bien réel, le marketeer n’aura pas à en faire une publicité bruyante. En fait, parmi les produits qui apparaissent aujourd’hui sur le marché, il y en a trop qui ne répondent pas à une demande. »

"MON BUDGET MÉDIA N'EST PLUS BÉTONNÉ À M'ÉCOUTER."

LES HEURS ET MALHEURS DU NATIVE ADVERTISING

Cela fait penser à la phrase de Henry Ford : « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient répondu ‘des chevaux plus rapides’. » Le native advertising est-il un « cheval plus rapide » ?
Van Roey : « En effet, le publireportage n’est pas une nouveauté. »

Mais cela reste une nouvelle façon de présenter un produit aux gens, par le biais d’une histoire.
Dumon: « Absolument. De nombreuses analyses montrent que, du moment qu’un contenu est pertinent, les consommateurs n’ont aucun problème avec le fait qu’il soit sponsorisé. L’avantage du custom content est que vous êtes présent à un endroit où le consommateur vient sciemment chercher des informations. Cela ne le dérange donc pas du tout. »
Van Roey : « C’est un bel exemple de contexte où vous récompensez le client pour son effort en lui donnant quelque chose, à savoir un contenu intéressant et de qualité. Mais il faut qu’il y ait une distinction très claire entre le commercial et le rédactionnel. Quand vous regardez les médias aujourd’hui, vous constatez que de nombreux essais automobiles sont en réalité du native advertising, même s’ils ont été écrits par la rédaction. Ceci pour dire qu’il faudra quand même mettre sur papier certains principes pour tracer des lignes claires. »
Schatteman : « Le contexte dans lequel vous placez votre message est plus important que jamais. Le consommateur est en effet disposé à entendre certains messages dans un bon contexte, mais pas dans un mauvais contexte. »

"DU MOMENT QU'UN CONTENU EST PERTINENT, LES CONSOMMATEURS N'ONT AUCUN PROBLÈME AVEC LE FAIT QU'IL SOIT SPONSORISÉ."

Avec le native advertising, vous renoncez à une part de contrôle. C’est un professionnel tiers qui écrit un texte parfois critique.
Pattyn : « Il ne faut pas sous-estimer la valeur d’un texte un peu critique. Cela augmente énormément sa crédibilité. Nous savons tous que la perfection n’existe pas, alors pourquoi ne pas le reconnaître ? Le même constat vaut pour la critique via les médias sociaux. Tant qu’il n’y a pas de dérapage, il ne faut à mon avis pas la bloquer. Qui plus est, il arrive que de parfaits étrangers prennent la défense de ceux qui sont critiqués. C’est parfait, quand même ? »
Scheenaerts : « Quand il y a un problème avec votre produit, ne le niez jamais. C’est un principe de base. Ne dites jamais d’un mauvais produit qu’il est bon. »

" NOUS DEVONS FAIRE PREUVE DE CRÉATIVITÉ DANS UN MONDE OÙ 90% DES GENS N'ONT PAS ABSOLUMENT BESOIN DE NOUS. "

TOUJOURS PLUS DE LA MÊME CHOSE ?

Big data, behavioural advertising, targeted content. Les marketeers savent de mieux en mieux ce que le consommateur aime manger, lire, écouter, regarder… Ce dernier ne risque-t-il pas de se voir de plus en plus servir la même chose ? N’y a-t-il plus aucune place pour la « sérendipité », l’heureux hasard de découvrir quelque chose que l’on n’était même pas en train de chercher ?
Van Roey : « Les langes pour bébés ne m’intéressent pas pour le moment, parce que je suis trop vieux, ou trop jeune. Les serviettes hygiéniques ne m’intéressent pas non plus. Et si j’habite dans un appartement en plein Bruxelles, je n’ai rien à faire d’une tondeuse à gazon. Pour cela, le targeted advertising est quelque chose de fantastique, il permet d’éliminer les déchets. Mais nous ne devons bien sûr pas restreindre notre communication à un seul groupe cible. Il faut encore toujours construire une marque, et cela ne se fait pas via le targeted advertising mais de façon beaucoup plus large. »
Schatteman : « Je suis pour l’automatisation, parce qu’elle libère le temps nécessaire aux marketeers pour laisser libre cours à leur créativité, la seule chose que cette technologie n’a pas. Ce ‘heureux hasard’, c’est le facteur humain. »
Crochelet : « Je me rappelle une discussion que nous avions eue en interne il y a quelques années. La question était de décider s’il fallait encore investir dans des campagnes d’image, dans la mesure où l’avenir était à la publicité de ‘bouche-à-oreille’. J’ai alors demandé : ‘Tout cela c’est très bien, mais qui lance ce bouche-à-oreille ?’ Il faut bien que quelqu’un commence. Chaque marque essaie évidemment de construire une relation personnelle avec son client, mais tout commence par la construction d’une marque. Dans un monde numérique pétri de targeted marketing, programmatique et tutti quanti, les marques de référence jouent plus que jamais un rôle essentiel. »
Vandenreijt : « Il y a aussi plusieurs fondamentaux que nous allons devoir toujours mieux respecter avant de parler de nos marques. Cela peut être simplement d’envoyer un e-mail de bienvenue pour remercier quelqu’un de s’être inscrit chez nous, pour qu’il se sente apprécié. Ce sont des ‘automatismes’ dans la customer journey. Si la base de la communication n’est pas bonne, parler de sa marque n’a aucun sens. Il peut s’agir de choses très simples, par exemple une offre spéciale le jour de l’anniversaire du client, qui se sentira ainsi reconnu. »
De Cannière : « Nous envoyons toujours une petite carte d’anniversaire à nos clients. C’est chaque fois un exercice créatif, mais l’attention est très appréciée. Combien de cartes reçoit-on en effet encore de nos jours ? »
Dumon : « Nous appliquons le principe du little act of happiness. Notre centre d’appels a ainsi un jour été en contact avec une personne qui avait gagné un ticket de concert mais qui voulait signaler qu’elle ne pourrait pas s’y rendre parce qu’elle se déplaçait en chaise roulante. Alors, nous lui avons réservé un taxi et avons prévenu les organisateurs du concert pour qu’ils fassent le nécessaire. Eh bien, cette personne fait désormais partie de nos meilleurs ambassadeurs. »

" LE TARGETED ADVERTISING EST QUELQUE CHOSE DE FANTASTIQUE, IL PERMET D'ÉLIMINER LES DÉCHETS. MAIS IL NE SUFFIT PAS POUR CONSTRUIRE UNE MARQUE. "

LONG TERME, COURT TERME

Agility, flexibilité, ces compétences ont été qualifiées à plusieurs reprises d’essentielles pour un marketeer performant. Le concept d’agility ne va-t-il pas à l’encontre de la réflexion à long terme ?
Schatteman : « Pour bien jouer la carte de l’agility, il faut savoir ce que l’on veut atteindre sur le long terme, sinon c’est un peu comme tirer sans viser. Une stratégie marketing qui saute sur tout ce qui bouge n’est pas une bonne stratégie. »
Van Roey : « Les contradictions et frictions classiques entre court terme et long terme, entre ventes classiques et marketing classique, disparaissent tout doucement. On prend de plus en plus conscience que les deux sont interdépendants, qu’ils existent en symbiose. »
Schatteman : « Les frictions traditionnelles entre la vente et le marketing ont fait place à une nouvelle tension entre le marketing et l’IT. Mais cela aussi va se résoudre. »
Van Roey : « La vision, la stratégie et le long terme doivent quand même toujours aller au-delà de l’intérêt particulier. La révolution numérique a un impact sur presque tout ce que nous faisons, mais pas sur le positionnement d’une marque ou d’une entreprise. »
Scheenaerts : « Notre vue sur les ventes est meilleure que jamais, grâce au numérique. Il y a une interaction permanente avec nos collaborateurs et nos clients, ce qui aide quand même à contrôler l’efficacité des objectifs à long terme. »
Vandenreijt : « Attention, nous pouvons générer un paquet de données et des rapports à très court terme, mais traduire tout cela en actions concrètes pour galvaniser les ventes n’est certainement pas facile. »
De Cannière : « L’essentiel n’est pas dans les données proprement dites, mais bien dans ce que nous y voyons. Très peu de gens sont capables de déterminer ce qu’il faut spécifiquement observer, quels sont les éléments du dashboard qui identifient de façon pertinente les anomalies ou les opportunités. »
Schatteman : « Comment interpréter correctement les data ? »
Vandenreijt : « Malgré tous les progrès de la technologie, c’est souvent encore trop long de trouver la bonne interprétation. Il y a trop peu de personnes qui ont le bon profil pour le faire. »

MESURER LES MÉDIAS SOCIAUX

Quelles sont vos expériences avec les médias sociaux en tant qu’instruments de marketing ?
Crochelet : « Les médias sociaux sont importants pour nous à trois niveaux. Les journalistes sont très actifs sur Twitter et nous devons pouvoir y réagir très rapidement et défendre notre réputation. Avec les consommateurs, c’est un peu différent. Quand ils ont une question sur une facture, une remarque ou une réclamation, ils ne prennent plus nécessairement la peine de téléphoner au Service Clients mais exposent le problème au monde entier sur les réseaux sociaux. En plus, ils attendent de nous que nous leur répondions dans la minute. L’opportunité est énorme. Si nous nous y prenons bien, nous créons la customer journey parfaite. Un troisième niveau est celui où les médias sociaux sont utilisés à des fins de marketing. Mais là, honnêtement, je me pose des questions en termes de ROI (return on investment). Et je me pose aussi des questions sur le flou des systèmes de mesure. Nous avons dépensé des sommes considérables pour faire voir des campagnes à des millions de personnes, mais ces personnes les ont-elles réellement vues ? Étaient-ce de vraies personnes qui cliquaient, ou étaient-ce des machines ? Ces milliers de personnes ont-elles réellement regardé mon spot ou en ont-elles simplement vu une photo ? Bref, je m’interroge à plus d’un titre sur l’efficacité des réseaux sociaux pour le marketing. En revanche, je suis convaincu de leur valeur pour entrer en contact direct avec nos clients. »
Kelchtermans : « Je trouve important de souligner qu’un média social n’est pas l’autre. Nous avons tendance à parler des médias sociaux dans leur ensemble, mais chacun d’entre eux possède ses propres règles et fonctionnalités. Twitter n’est pas Facebook, qui n’est pas Instagram, qui n’est pas LinkedIn. Sur LinkedIn, les gens prennent le temps de lire quelque chose, alors que sur Facebook, on n’a que quelques millisecondes pour accrocher le lecteur. »
Van Roey : « Il y a un manque criant de normes online. À partir de quand sommes-nous d’accord pour dire qu’un consommateur a réellement vu quelque chose ? Doit-il pour cela avoir regardé pendant 5 secondes ? 10 secondes ? 20 secondes ? Tout le monde utilise des références différentes. Nous devons exiger des normes. En Belgique, nous avons été particulièrement gâtés en matière de mesures pour les médias classiques. À une certaine époque. Mais aujourd’hui c’est terminé. Nous nous rendons compte que l’institut qui réalise ces mesures, le CIM (Centre d’Information sur les Médias), est un peu à la traîne. Aucune mesure ne se fait sur les fonctions de recherche, les médias sociaux, etc., et nous ne disposons dès lors d’aucun point de repère objectif. Nous pouvons investir tant et plus dans les médias sociaux, mais nous ne savons absolument pas quel effet cela génère. Essayez donc de faire un planning média dans ces conditions... Il y a aussi beaucoup de ‘fraude’ sur la Toile, avec plus de robots actifs que de personnes. Là aussi, il y a un grand manque de transparence. Pas étonnant que la méfiance ne cesse de grandir. Je pense que nous devons mettre les grands acteurs (Google, YouTube, Facebook, Twitter…) face à leurs responsabilités. Ils doivent nous donner des chiffres corrects et mesurés par des parties objectives, pour que nous puissions faire notre travail. »

"JE M'INTERROGE À PLUS D'UN TITRE SUR L'EFFICACITÉ DES RÉSEAUX SOCIAUX POUR LE MARKETING. EN REVANCHE, JE SUIS CONVAINCU DE LEUR VALEUR POUR ENTRER EN CONTACT DIRECT AVEC NOS CLIENTS."

 

 

 

LES PARTICIPANTS À LA TABLE RONDE

Benoît Crochelet – Head of Brand & Marketing Communications chez Electrabel

Katrien De Cannière – Marketing Manager chez e5 mode

Xavier Dumon – Director Marketing & Communication chez Hello bank!

Geert Kelchtermans – Director E-Transformation chez Proximus

Lieve Pattyn – Marketing Director chez Omega Pharma

Saskia Schatteman – CMO/Marketing Lead chez Microsoft

Emmanuel Scheenaerts – Marketing BeLux & Back-Office Marketing PSA Benelux Director chez Peugeot

Bart Vandenreijt – Customer, Market Insights & Loyalty Director chez Carrefour

Chris Van Roey – CEO UBA